Oradour
Oradour n’a plus de femmes
Oradour n’a plus un homme
Oradour n’a plus de feuilles
Oradour n’a plus de pierres
Oradour n’a plus d’église
Oradour n’a plus d’enfants
Plus de fumée plus de rires
Plus de toîts plus de greniers
Plus de meules plus d’amour
Plus de vin plus de chansons.
Oradour, j’ai peur d’entendre
Oradour, je n’ose pas
Approcher de tes blessures
De ton sang de tes ruines,
je ne peux je ne peux pas
Voir ni entendre ton nom.
Oradour je crie et hurle
Chaque fois qu’un coeur éclate
Sous les coups des assassins
Une tête épouvantée
Deux yeux larges deux yeux rouges
Deux yeux graves deux yeux grands
Comme la nuit la folie
Deux yeux de petits enfants :
Ils ne me quitteront pas.
Oradour je n’ose plus
Lire ou prononcer ton nom.
(...)
Jean Tardieu : Oradour
Rappel rapide des faits que certains semblent avoir oubliés :
Le 10 juin 1944, à 8 heures du matin, la division SS Das Reich entre dans le village d’Oradour-sur-Glane, à quelques kilomètres de Limoges.
La veille cette division a fait pendre 99 otages à Tulle, mais les habitants d’Oradour ne le savent pas, comme ils ne savent pas que depuis avril 1944, cette même division a fait régner la terreur dans les départements du sud-ouest où elle était stationnée depuis avril 1944 avec une mission de lutte contre les résistants.
Ils ne savent pas non plus que la 2e SS Panzerndivision Das Reich a reçu l’ordre de rejoindre la Normandie le 7 juin, mais qu’elle n’a pu disposer des trains prévus pour son déplacement parce que bombardements et sabotages ont paralysé le réseau ferroviaire à l’ouest , que c’est donc par la route que ses éléments lourds s’acheminent vers Perigueux où l’embarquement des blindés commencera le 15 juin, que sur ce trajet elle a été harcelée par la Résistance et que les hommes de Das Reich ne sont pas du genre à le supporter . Tulle et Oradour ont le malheur d’être sur le chemin emprunté par la Das Reich.
Ce 10 juin, le village d’Oradour s’éveille paisiblement tandis que les soldats nazis approchent.
Rapidement la population est réunie sur la place du village. Les hommes sont conduits dans des granges. Les femmes et les enfants sont enfermés dans l’église. Granges et église sont incendiées et les victimes qui tentent de s’échapper sont abattues froidement . En fin de journée, Oradour n’est plus que flammes et cendres. La vie s’est éteinte pour les 642 victimes de la furie nazie.
En 1953, le tribunal de Bordeaux a condamné 21 bourreaux d’Oradour, présents sur le banc des accusés. Parmi eux 13 Alsaciens qui avaient participé au massacre, des " malgré-nous ", finalement amnistiés quelques années plus tard au " nom de la réconciliation nationale ".
Récemment, en juin 2004, la Cour d’Appel de Limoges a condamné une nouvelle fois, pour "apologie de crimes de guerre", un négationniste, remettant en cause le massacre d’Oradour-sur-Glane . Ce jugement semble n’avoir pas suffi à faire définitivement entendre la vérité de ce village martyrisé et des autres Oradour, victimes de la folie des hommes en guerre. Combien de procès faudra-t-il encore pour l’histoire d’Oradour , de ses hommes, de ses femmes, de ses enfants... ?