Plan - Autour de Lyon - Leçons de memoire - Nos liens - Contact et Copyright
 
Georges Tassani
Georges Tassani
 


Buchenwald-Dora

 
 

samedi 20 février 1999 par Georges Tassani

Requis pour le S.T.O.

Au retour des camps en 1945. (JPEG) En février ou mars 1943, tous les hommes de la classe 42 sont requis pour travailler en Allemagne ou pour l’Allemagne. Je reçois mon ordre de départ pour Koenisberg. Après avoir fait mes adieux à ma famille, je me rend à la gare des Brotteaux et monte dans le train.

Grâce à une filière de la Résistance, je saute de l’autre côté des voies et me retrouve dans la rue. C’est à ce moment que commence ma clandestinité.

Le Réseau Charette

Craignant les recherches, je me réfugie chez un ami de la famille près de Lyon. Là, pendant quelques semaines, je vis comme une souris en me cachant au moindre bruit suspect dans une penderie aménagée pour la circonstance. L’épisode me rapporte le surnom de "l’homme au placard" !

En juillet 1943, un ami me fait rentrer au réseau Charette dont le chef est le neveu du général de Gaulle. Sous les pseudonymes de Georges Tessier et Jim, je distribue des tracts et porte des messages cousus à l’intérieur des doublures par une voisine ou des armes dans la région, parfois à Paris et Clermont-ferrand. Je participe aussi à la fabrication des fausses pièces d’identité, des extraits de naissance et laissez-passer...

Interrogatoires

Hélas, j’ai été arrêté le 31 mars 1944 avec Gratien (Jean Nallit) à qui je devais remettre plusieurs fausses cartes. Les deux agents de la Gestapo nous ont embarqués dans une traction noire jusqu’à l’Ecole de Santé, siège de la Gestapo lyonnaise.

Après quelques heures d’attente et d’angoisse dans la cave, l’interrogatoire commence par des coups de gifles, la cravache, la baignoire. C’est ruisselant de sang que j’ai été présenté à Gratien qui devait être interrogé après moi. Le soir nous avons fait connaissance avec Montluc et j’ai été ramené dans l’heure suivante à l’Ecole de Santé où j’ai de nouveau été questionné par un officier allemand. Etait-ce Barbie ?

Au bout de dix jours " d’interrogatoire " et de séances de baignoire, j’avouais m’appeler Georges Teyni, né à Quimper. C’est sous cette fausse identité que j’ai été déporté.

La déportation

Entassés à 120 par wagon à bestiaux aux portes verrouillées et plombées, nous avons voyagé 3 jours et 4 nuits sans eau et dans des conditions atroces. Nous restions parfois à l’arrêt pendant 3 ou 4 heures en plein soleil ; au bout de deux jours notre soif était telle que nous buvions nos urines. Des hommes devenaient fous, d’autres mouraient... J’ai été moi-même atteint de folie d’après mes camarades. Les S.S. accompagnés de chiens nous attendaient à notre arrivée à Buchenwald. On nous a fait mettre par rangs de cinq : ceux qui ne pouvaient pas se tenir debout et les fous furieux ont été abattus d’une balle dans la tête. Menacés par la cravache et les chiens, nous avons été dirigés à une allure rapide vers le camp. A l’entrée, il y avait de grands bacs d’eau : les uns se jettent dedans et ceux qui ont encore leurs chaussures s’en servent pour boire. Ensuite ce fut la désinfection, puis la tonsure et le rasage du corps. Revêtus du pyjama rayé, nous ne sommes plus que des numéros, pour moi le n°49461 qu’il me faut apprendre en allemand.

Dora

Après le camp de quarantaine, j’ai été dirigé sur Dora, le camp d’extermination de Buchenwald. Nous y arrivons après une marche de 37 km, souvent pieds nus. Nos blocs étaient à flanc de montagne, une montagne maudite où mon commando travaillait au déblaiement des tunnels servant d’usine à V1 et V2. Après douze heures de travail à la pelle ou au marteau piqueur, nous subissions les appels debout au milieu de la place. Nous devions rester entre deux et six heures immobiles, même par des températures très basses. La nourriture était composée d’un bout de pain infâme, d’un peu de margarine et de 3/4 de litre de soupe pour 24 heures. Nous dormions environ cinq heures par jour, dans l’humidité, souvent sans paillasse - il n’y en avait pas pour tous - et sans couverture -une pour 3 ou 4 détenus-

D’autres camps

Après 3 mois, j’ai été affecté à un autre commando, Ellrich, à 9 km, du côté opposé de la montagne. Impossible de se laver dans ce camp . Nous étions couverts de vermines et nous dormions à trois sur la même paillasse quand nous pouvions en avoir une. Beaucoup de prisonniers sont morts, faute de soins, car le Revier était pratiquement inexistant. Ellrich était un camp d’extermination accélérée !

Puis ce fut un nouveau départ pour les camps de Wieda d’abord, d’Harzungen ensuite. Fin Mars 1945, les bombardements alliés nous donnent un immense espoir... Quelques jours plus tard, l’ordre est donné d’évacuer le camp et de nouveau nous partons pour une autre destination, les uns par chemins de fer, les autres à pieds. Nous n’avons plus eu de nouvelles de ces derniers.

Après un difficile voyage de cinq jours, nous arrivons au camp de Bergen-Belsen où nous sommes restés jusqu’à notre libération avec très peu de nourriture et des amoncellements de cadavres jusqu’à hauteur du premier étage des anciennes casernes.

La libération

Nous attendions la mort, lorsque le 15 avril 1945 à 14h45, nous avons vu les premiers chars de la deuxième armée britannique qui venait nous libérer. Moi qui ne pouvait plu tenir debout depuis deux jours, j’ai pu, dans un sursaut, marcher sur vingt mètres dans leur direction.

Les anglais mirent tout ce qu’ils avaient comme vivres à notre disposition. Ils avaient les larmes aux yeux. Quelques jours plus tard, leurs camions nous emmenaient à la gare et, le 1er Mai, nous étions en France. Heureux d’être en vie, c’était pour nous une deuxième naissance.

Témoignage de Georges Tassani, "Jim"


A 79 ans, Georges Tassani dit ne s’être jamais totalement remis de cette période. Pour cette raison, il témoigne depuis 40 ans et continuera jusqu’au bout. "Parler à des inconnus est plus simple qu’avec ses proches quand la douleur est toujours là. J’ai une fille de trente-huit ans et je ne lui ai jamais dit ce que j’avais subi... J’avais honte. "

Georges Tassani est le Président actif de l’Association des Rescapés de Montluc , mais aussi de la Journée du Souvenir. Il n’y a pas une commémoration à Lyon, pas une réunion importante autour de la mémoire, pas une séance du Jury du Concours de la Résistance et de la Déportation où il ne soit présent avec toute sa gentillesse, son humour, et sa foi ...



 

Autour de Lyon
La Seconde Guerre en Rhône-Alpes
Givors 1944
Les combats du Pont Rompu - Août 1944
La Première Armée Française à Mornant ( Rhône)
A Saint-Galmier, les 2 et 3 septembre 1944
Le bombardement de Saint-Etienne
Témoignages
Résistance intérieure
Militaires
Les camps, la déportation
Autres témoignages
Inclassable
Leçons de mémoire(s)
Voyage de la mémoire à Auschwitz
Les étrangers dans la résistance
En République Tchèque
Le camp de Stutthof en Pologne
Le Concours National de la Résistance et de la Déportation
Autour de "La Vie est belle"
Témoins en classe
Autour de la Seconde guerre mondiale
Mémoires
Déportation et camps
Les Tsiganes
Résistances
Les lois françaises
La vie quotidienne pendant la guerre
Divers
  Ils chantaient sous les balles...
  Contacts


]

.Andrée Rivière-Paysan
.Henri Wolff
.Benjamin Orenstein
.Christine Stimm
.Tola, Karol et les enfants
.Yseult Saunier
.Edouard Bontoux
.Jean Nallit
.Jean Mansching
.Jacques Henriet
.Guy Dolmaire
.Mère Marie Elisabeth de l’Eucharistie
.Lydia Mrowiec
...Retour à la rubrique

 

 


Déclaration C.N.I.L N°759239
en application de l'article 16 de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés