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Richard Arnold Stimm
Richard Arnold Stimm
 


Mort sur le champ de bataille à Lenino

 
 

samedi 19 février 2000 par Jean Stimm

Déportés par les Soviétiques

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Richard Arnold Stimm en 1938

Septembre 1939 : la Pologne est envahie par les troupes allemandes. A l’appel de l’état-major de l’Armée polonaise, Richard Arnold Stimm, âgé de 14 ans, et son père quittent Varsovie le 7 septembre, sans savoir qu’à l’Est les attendent les troupes soviétiques qui frappent le pays dans le dos.

Le 28 septembre 1939, Varsovie capitule et le 29 septembre tout le territoire de la Pologne de l’Est est occupé par les Soviétiques. Eugénie Stimm et son second fils, Jan, quittent à leur tour la Capitale et les persécutions raciales qui règnent désormais.

La famille Stimm se retrouve à Stanislawow sous occupation soviétique où les arrestations vont bon train aussi. Le père, officier de réserve de l’Armée polonaise, doit d’ailleurs se cacher. [[Les militaires polonais sont retenus dans des camps soviétiques. En mars 1940, le politburo décide l’exécution des officiers polonais. Le 29 décembre 1939, le Ministre de l’Intérieur soviétique signe un décret de déportation de onze catégories de citoyens polonais vers la Sibérie, le Kazakhstan et d’autres régions lointaines de l’URSS. On estime qu’ainsi plus de 600.000 personnes ont été déportées en quelques mois seulement.

Eugénie Stimm et ses deux enfants enfants, Richard Arnold et Jan Romuald, sont arrêtés par le NKVD le 12 avril 1940 à Stanislawow et déportés en Sibérie.« Face aux ordres de " désengorger " les camps, Lavrenti Beria, le chef du NKVD, proposa, dans une lettre " strictement confidentielle " adressée à Staline et datée du 5 mars 1940, l’extermination massive des prisonniers de guerre polonais. (...) C’est donc à la suite du rapport de Beria que Staline, par la " décision du 5 mars 1940 ", ordonna la liquidation de 25 700 Polonais, " ennemis incorrigibles " (...) Le NKVD avait noté les adresses des familles des prisonniers qui avaient pu maintenir le contact avec leurs proches. Ces familles furent inscrites dans les registres des Polonais destinés à la grande déportation d’avril 1940 vers la Sibérie et le Kazakhstan, ainsi qu’aux suivantes, notamment celles de juin et juillet 1940, qui, en s’ajoutant à celle de février, touchèrent près de 1 800 000 personnes dont peu survécurent. » d’après Alexandra Viatteau , L’Histoire, n° 243, mai 2000

Après un mois de voyage épouvantable dans des wagons à bestiaux, ils sont internés pendant un an et demi à Apkaschevo, hameau dépendant du fameux goulag de Novossibirsk, dans des conditions climatiques et de vie extrêmement pénibles.

La création de l’Armée polonaise du Général Anders

A l’automne 1941, à Moscou, à l’issue d’un accord signé avec le général Sikorski, alors Premier Ministre du gouvernement polonais en exil en Grande Bretagne, l’URSS accepte l’amnistie de tous les Polonais en Union Soviétique. L’accord de 1941 prévoyait la création des unités consulaires et de l’Armée polonaise en URSS. Cette nouvelle s’était rapidement répandue et tous ceux qui voulaient se battre contre l’Allemagne selon le slogan patriotique " pour la liberté la vôtre et la nôtre " s’inscrivaient comme volontaires.

Dès que Arnold a appris la nouvelle, il a décidé de s’engager dans l’armée. Rien ne pouvait l’arrêter, même pas sa mère qui le suppliait de renoncer. Muni d’une permission du NKVD pour se déplacer, il part à pied d’abord, puis avec une charrette pour arriver au " Comité Polonais ". Mais, on lui refuse l’inscription dans l’Armée polonaise du Général Anders : il est trop jeune. Quelques mois plus tard, cette armée a quitté l’URSS par l’Iran, vers les batailles du Moyen-Orient et d’Italie conduites par les alliés.

Quelques mois plus tard, Eugénie et ses fils peuvent quitter la rigueur sibérienne vers la Kirghizie où ils restent cependant sous surveillance policière. Mais les relations russo-polonaises sont complexes et régressent en 1942 et 1943. La vie des déportés s’aggrave et les pressions se multiplient pour qu’ils optent pour la nationalité soviétique. Ils se sentent abandonnés et isolés du monde.

La création de l’Armée polonaise de Wanda Wasilewska

Déterminé, au mois de mai 1943, Arnold réussit enfin à s’inscrire dans l’Armée de Travail de l’URSS, une unité enrôlant des hommes inaptes au port des armes. Arnold a à l’époque 17 ans . Quelques semaines plus tard, il nous écrit de Moscou qu’il suit un cours pour les médecins et infirmiers. Il nous envoie aussi un certificat de son commandement qui nous donne le droit de revendiquer l’aide de l’administration soviétique destinée aux familles des officiers.

Nous n’avons plus eu de nouvelles d’Arnold jusqu’en novembre 1943, date à laquelle est arrivée la lettre du commandement de l’armée : Arnold avait été tué sur le champ de bataille.

Nous avons reconstitué les derniers mois de sa vie grâce à des documents d’archives et des témoignages.

Chef du peloton sanitaire du 1er bataillon

Arnold était certainement au mois de mai 1943 dans l’Armée de Travail à Stalingrad . En trichant de quelques mois sur son âge, il réussit à s’inscrire comme volontaire dans l’Armée polonaise naissante en l’URSS dite l’Armée de Wanda Wasilewska de Z.P.P. (Union des Patriotes Polonais), du nom de celle qui a combattu pour sa création. Le 8 juillet, il est au camp de la 1ère Division d’Infanterie " Tadeusz Kosciuszko " de la 1ère Armée polonaise sous commandement soviétique, à Sielce sur Oka (dans la voïvodie de Riazan) et dirigée par le général polonais Zygmunt Berling libéré des goulags comme beaucoup des soldats de sa division. Le nom de Tadeusz Kosciuszko, un héros national polonais, et sa devise patriotique " pour votre et notre liberté " réunissaient les hommes dont la seule volonté était de libérer la Pologne de l’occupant allemand. Ils chantaient déjà : " Oka aussi large que la Vistule... "

Arnold Stimm est nommé chef du peloton sanitaire du 1er bataillon

Des années plus tard, Artur Pechner, lieutenant commandant du service médical du 1er régiment, a écrit au sujet de Arnold : " Je le vois devant moi. De taille moyenne, les cheveux blond foncé, une peau d’abricot avec la barbe et une petite moustache a peine poussée, les yeux bleus grisâtres. Il était intelligent, rapide, avait de l’ambition et était volontaire au travail. Discipliné il a essayé de remplir du mieux possible tous les ordres. Il est évident pour moi qu’il a gardé les mêmes valeurs au combat... " C’était certainement vrai car le commandement a ensuite confié à Arnold divers postes de responsabilité dans d’autres unités .

La bataille de Lenino

(GIF) La division à peine organisée, l’instruction primaire inachevée, il a été dirigé vers le front pour combattre l’ennemi. Le 1er septembre la division a été dirigée vers Wiazma.

De là, à pied dans des conditions difficiles, dans le froid de l’hiver naissant, le régiment a marché vers les " positions de départ " puis dans la région de Moguilev en Biélorussie pour reprendre les positions allemandes dans la région du village de Lenino, situés dans un terrain marécageux d’une petite rivière nommée Miereya.

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La Miereya près de Lenino

Le 12 octobre 1943 commença la bataille de Lenino. Elle a duré seulement deux jours, deux jours terriblement longs et meurtriers, car presque 25 % de la 1ère Division ont été anéantis.

Après une trop courte préparation de l’attaque par l’artillerie, une partie des blindés T34 sont restés coincés dans des marécages. Dans ces conditions, l’attaque de l’infanterie a été un acte de bravoure. Le 1er bataillon d’Arnold était en première ligne. Les Polonais ont franchi la Miereya et les marécages, ils ont conquis le village de Polzuchy, refoulé les Allemands et se sont arrêtés finalement devant le village de Trigoubova. La lutte a été acharnée, jusqu’à l’affrontement à la baïonnette. Toute la journée du 12, la nuit et à nouveau la journée du 13, la bataille ne s’arrête pas et(les troupes allemandes n’arrivent pas à repousser les attaquants. Finalement le 14, la 1ère division polonaise a été relevée par les troupes de l’Armée Soviétique.

Pendant cette bataille, nombreux sont les soldats polonais qui sont tombés sous le feu des mitrailleuses de l’ennemi et des bombes de l’artillerie et de l’aviation. Le peloton sanitaire ne manquait pas de travail.

Voici ce le témoignage de Samuel Szulzycer :

" ... Stimm énergiquement organise personnellement le travail du peloton (sanitaire), pose les pansements sur les blessures plus graves, sous le tiraillement incessant, évacue les gravement blessés et ressort de la bataille ceux qui peuvent encore marcher. Brusquement, sous les yeux de ses camarades, lui-même a été blessé à la jambe. Maintenant c’est lui-même qui a besoin d’aide. Il se soigne lui-même. Il doit être à son tour évacué mais il ne veut pas qu’on le mette sur le brancard. Il met le pansement sur sa blessure lui-même et ordonne aux brancardiers de s’occuper des autres. En titubant il essaie de poursuivre sa mission mais la blessure est gênante et il doit s’évacuer. Une balle de tireur embusqué l’atteint dans l’abdomen. Malgré l’opération immédiate dans hôpital de campagne du 1er régiment il meurt. Et il est mort à son poste, apportant l’aide aux nombreuses soldats qui lui doivent la vie... "

Au lendemain de la bataille de Lenino, les quotidiens de l’époque ont écrit des louanges sur la bravoure et le patriotisme des soldats polonais. Wanda Wasilewska déclara que cette bataille prouvait que la Pologne existe toujours et que l’aigle polonais renaissait par cette bataille.

Mais le général Vassili Makarow du commandement de la 33ème Armée Soviétique, dans son rapport après la bataille critique sévèrement le commandant du 1er régiment polonais Derks (qui selon un autre témoin était ivre-mort au début de l’attaque), le manque d’aide des 290ème et 42ème divisions d’infanterie soviétique qui ont été placées aux flancs des polonais. Il critique également l’artillerie et l’aviation manquantes et inefficaces, le mauvais approvisionnement en munitions et vivres et d’autres aspects de bataille. Ce rapport à été retrouvé en 1993 seulement. Le simple soldat, lui, pensait que Staline avait laissé la division polonaise se saigner pour des raisons uniquement politiques.

Mort pour notre liberté et la vôtre

Un mois plus tard à Novotroick en Kirghizie où nous séjournions avec ma mère nous avons donc reçu une simple lettre sans enveloppe de la part du commandement militaire : " nous avons le regret de vous informer que votre fils, brave soldat Arnold Stimm est mort des blessures reçues sur le champ de bataille et qu’il est enterré 200 m au sud du village Slobodka dans la tombe à proximité d’une grange isolée sur le coté droit de la route " Arnold avait à peine 18 ans.

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Après la guerre, on a construit à Lenino un cimetière provisoire et un musée - monument. Par la suite les autorités soviétiques ont supprimé ce cimetière. Ma mère, après la guerre, a demandé plusieurs fois aux autorités soviétiques de lui délivrer un visa pour pouvoir s’incliner sur la tombe de son fils mais la réponse était toujours la même - " niet "

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Le monument de Varsovie- © Stimm 2001

Il a fallu attendre jusqu’en 1998 la construction par le gouvernement polonais d’un nouveau cimetière militaire où ils peuvent désormais et enfin reposer en paix.

Depuis, on a écrit des éloges sur Arnold,dans une multitude de journaux et autres ouvrages, en le citant comme exemple du comportement courageux d’un soldat patriote. Récemment à Lenino au cimetière militaire a été construit un monument. D’autres monuments ont été érigés à Varsovie et même à Jérusalem où le nom de Arnold est gravé.

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Croix de la Bataille de Lenino décernée à Arnold- 

Plusieurs fois Arnold a été décoré à titre posthume de médailles militaires. La dernière décoration, la "Croix de la bataille de Lenino ", a été remise en 1996 à son frère Jean, qui habite actuellement près de Lyon.

Jean Stimm - E.Py © 1998


Champ de bataille et attaque à Lenino 11-13.10.1943 - collection de M.Kallaur

 

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