Ce 29 août 2004, la commune de Mornant s’est souvenue de ses enfants Morts pour la France en 1939-1945. Parmi eux, Francis Pradinaud n’est pas revenu du camp de Dachau. Arrêté pour fait de résistance à Lyon en 1944, il était dans le dernier convoi à quitter la Capitale des Gaules.
Le 11 août 1944, partait le dernier train de déportation de Lyon.
Les prisonniers de Montluc vivaient ces derniers jours dans l’espoir d’une proche libération et dans l’angoisse de la mort puisqu’à plusieurs reprises, en cet été 44, des détenus furent extraits de leurs cellules et massacrés autour de Lyon. Parmi ces détenus l’historien Marc Bloch, juif et résistant, fusillé le 16 juin à Saint-Didier-de-Formans en s’écriant : « Vive la France »
Et les nazis s’entêtèrent à massacrer et à déporter en cet été 44.
A Lyon, sur un quai de Perrache 2, l’embarquement de déportés
Photographie clandestine de Monsieur Rougé publiée par Lyon sous la botte
Le train n°14.166 fut formé en gare de Lyon-Perrache : dix wagons de 750 détenus
300 femmes
12 enfants entre 1 et 4 ans
438 hommes
Parmi eux, environ des juifs, séparés des non-juifs, et répartis dans 4 wagons.
Dix prisonniers étaient de grands malades, dont deux mourants. (Rapport de la Croix-Rouge de Vittel.)
Le Livre Mémorial de la déportation édité par la FMD précise que les hommes et femmes non-juifs "choisis" pour être déportés étaient tous liés à la résistance et arrêtés au cours des deux derniers mois en Rhône-Alpes. Ainsi, les 56 déportés polonais appartenant au réseau Pown-Monica démantelé pendant cet été 44, les 8 infirmières du Maquis du Vercors repliées dans la grotte de la Luire...
"Le train n’arrivera pas en Allemagne" ...
Le réseau ferré était désorganisé par les bombardements et les sabotages. Les alliés étaient à quelques kilomètres plus au sud, la Résistance active. Les détenus de l’ultime convoi lyonnais étaient persuadés que "le train ne parviendrait jamais en Allemagne".
D’ailleurs, le Commandant Mary Basset, chef militaire FFI du Rhône, à la date de départ du train, note la tentative pour le stopper :
« 11 août 44 . Afin d’empêcher le départ d’un train de prisonniers venant de la prison Montluc à Lyon et se dirigeant vers l’Allemagne, nous faisons sauter le Pont Saint-Nicolas sur les voies ferrées de Lyon à Macon pour stopper le convoi. » JMO Mary-Basset
A Vittel
Mais, le train passa, prit la direction de Chaumont sans doute pour rejoindre Paris où étaient en formation les deux derniers convois prêts à quitter la capitale. En vain. Le train parvint péniblement en gare de Vittel le 15 août où la Croix-Rouge établissait un rapport précis :
« Il se composait de 10 wagons de 3ème classe, 9 pour les détenus, un pour les bagages. Il est reparti le 17 au soir via Epinal et Belfort. La présidente de la Croix-Rouge de Vittel, prévenue par le chef de gare, le 16 au matin, a trouvé les détenus dans un dénuement extrême, mais non sans ravitaillement. Ils lui dirent qu’ils venaient de Montluc et qu’ils avaient souffert surtout du manque d’eau. Ils étaient couverts de vermine. Les enfants n’avaient plus de lait. Devant un telle détresse, elle a pu obtenir du lieutenant de la Gestapo qui commandait le convoi de faire descendre les détenus, de faire installer des tables, pour que ces malheureux puissent manger une soupe chaude et du pain. Elle a obtenu également du commandant du camp de détenus anglo-américains, une autre distribution de pain. Les pompiers avaient amené un jet d’eau pour que tous puissent faire leur toilette et on leur a distribué du savon.
La population de Vittel a fait l’impossible pour leur procurer ravitaillement et médicaments. (...) Les internés civils anglo-américains ont fait une collecte dans leur camp, préparé des sansdwiches, boîtes de miel et de confiture, biscuits, conserves, savons, cigarettes. Tout ce ravitaillement a été sorti clandestinement du camp des internés, mais le train était reparti dans l’intervalle. On l’a fait porter en voiture en gare d’Epinal au président de la Croix-Rouge (...).
Plusieurs détenus ont pu écrire des lettres que la présidente de la Croix-Rouge a fait elle-même partir par le maquis. »
Une évasion
Rares furent ceux qui parvinrent à s’échapper de cet ultime convoi de la mort. Raymond Thomas, de Grenoble, témoigne dès 1944 dans une lettre à la Croix-Rouge :
"Le 15 août vers midi, j’ai remarqué que la portière n’était pas gardée. A ce moment, le train filait de 15 à 18 km/h. J’en ai profité pour sauter par la portière. J’avais trois mètres à franchir pour gagner les bois. J’étais libre. Ceci s’est passé près de Martigny-les-Bains, à une vingtaine le kilomètres de Vittel. Je suis resté cinq semaines dans cette région. Depuis le 19 août, j’ignore ce qu’est devenu ce convoi. Je pourrai donner des renseignements sur les dix premiers noms. En effet, je suis resté avec ces personnes jusqu’au dernier moment."
Et le train arriva à destination !
Le 18 août, les hommes furent enregistrés au KL Natzweiler d’où ils furent évacués en septembre vers d’autres camps ( Mauthausen, Dachau, Neuengamme et leurs kommandos), les 64 femmes arrivèrent à Ravensbrück le 22 août, les wagons des déportés juifs furent accrochés à un autre convoi à destination d’Auschwitz-Birkenau où une sélection eut lieu à le 22 août.
27 femmes et 44 hommes, déportés raciaux, seraient revenus d’Auschwitz, dont deux des enfants Jacques Benayou et Charles Zajtman, né en 1933, plus jeune rescapé de France.
120 déportés sur les 286 déportés non juifs recensés seraient rentrés.