C’était le 26 mai 1944 par une belle matinée de printemps. J’étais scolarisé à l’école publique du quartier de Tardy. Soudain, les sirènes ont retenti et notre maître Monsieur PORTE nous a fait descendre dans les sous-sols de l’école comme cela devait être fait.
Ma mère qui n’était ni aux halles ni au marché est venue nous chercher (moi et mon frère, scolarisé lui aussi à Tardy) et nous revenus chez nous sur la Place Tardy. Avant de rentrer, nous avons acheté du pain chez le boulanger MARTIN à l’angle de la Place et de la rue Emile Littré.
C’est en sortant de chez lui, à l’angle de la Place et en vue de traverser la rue que nous avons été projetés violemment au sol. Ma mère tenait mon frère par la main. Elle s’est retournée pour voir si j’étais toujours près d’elle et dans une atmosphère dantesque (air irrespirable, terre, poussière, fils électriques ou téléphoniques gisant au sol) que nous avons vu notre voisin du rez-de-chaussée Mr FAURE avec le bras arraché pris en charge par des secouristes. Des gens nous ont crié de descendre dans les abris de la pharmacie GINOT dans la grande artère. En courant comme des fous et il me semble en entendant des avions à basse altitude que nous sommes entrés dans l’abri et là, des pleures, des prières récitées à voix haute par beaucoup de gens traumatisés.
Nous avons entendu la fin de l’alerte pour ressortir à l’air libre avec cette fois le bruit des ambulances et leur va-et-vient incessant. Nous sommes remontés dans la rue Denis Papin pour constater que notre appartement au premier étage était inhabitable, envahi par la terre de la Place Tardy. Mon père qui travaillait chez Vernay Carron, Cours Fauriel, revenait trop tranquillement du travail pour ma mère qui lui en fit vertement le reproche. Il lui répondit qu’il savait par un voisin que nous étions sains et saufs ! ! !
Mon grand-père qui était tailleur, rue Polignais, ayant entendu que Tardy a été bombardé, était parti à notre recherche parmi les décombres, les appels au secours, les morts, les blessés. Il est rentré chez lui persuadé après ce qu’il avait vu que nous étions morts et quand un peu plus tard nous avons frappé à sa porte il a eu un malaise.
Nous avons trouvé une pièce à Avernay sur la route de St Just-sur-Loire en attendant de pouvoir réintégrer notre Place Tardy.
Quand nous avons appris que des copains et tous nos maîtres étaient morts, ce traumatisme est toujours présent en moi et me fait douter de l’aptitude de l’homme à pouvoir vivre en paix malgré tous les voux pieux entendus de ci de là.