La reddition du Fort de Six-Fours
Le Fort de Six-Fours. Brochure Libération de Six-Fours. DR 2001
A peine débarqué au Nord de Saint- Tropez, près de Cogolin, le 2e Spahis est engagé dans les opérations autour de Toulon : il s’agit d’obtenir la capitulation des forts qui commandent l’accès Ouest à la ville.
Le Peloton Caniot , 2ème Peloton du 4ème Escadron pénètre les défenses allemandes et reçoit la reddition de la forteresse de Six-Fours-Les-Plages le 26 août 1944.
Le lieutenant Guy Caniot se souvient :
" Il est 9 heures du matin. Une énorme explosion ébranle l’air. Le fort de Six-Fours vient de se saborder. L’ouvrage était impressionnant : artillerie et aviation ne pouvaient décidément rien contre lui.
Le peloton Caniot encadre la colonne de prisonniers. Au premier plan, Rôdeuse.
490 vaincus, officiers en tête, dans une tenue absolument impeccable avancent parfaitement alignés comme à la parade. La colonne, encadrée par nos voitures, se dirige vers Sanary, première étape avant le camp de prisonniers.
Au bout de quelques centaines de mètres, tout ce qui avait fait mon admiration, pendant un instant, disparaît : déjà la colonne s’étire, les rangs perdent leur alignement, certains déboutonnent leur vareuse. C’est l’écroulement de la façade de l’orgueil militaire prussien. Après un kilomètre de marche, les premiers traînards viennent me supplier de les autoriser à monter sur nos véhicules. Une existence trop facile conduit une armée à sa perte. C’était par le moral et non par les armes que nous les battions cette fois.
Après quelques pauses, nous arrivons au terme des 10 kilomètres. Après avoir confié nos prisonniers à une autre unité, nous nous activons fiévreusement pour être prêts rapidement au départ.
Notre mission dans cette région est terminée et il faut nous préparer à faire mouvement vers la vallée du Rhône. Et en un clin d’oeil, les véhicules sont complétés en munitions, les vivres chargés, les pleins d’essence réalisés, le matériel vérifié, et vers 16 heures, l’escadron se met en route.
Le lieutenant Caniot est félicité par le Général de Lattre de Tassigny ( Toulon août 1945)
La vallée du Rhône
Les ponts sur le Rhône ont été en grande partie détruits. Le fleuve en crue est passé dans des conditions délicates à hauteur d’Avignon.
Arrivés à Pont Saint Esprit, l’escadron reçoit pour mission de foncer sur St-Etienne, pour couper l’axe de retraite des armées allemandes au niveau de Lyon.
Tout au long de la remontée de la vallée, le manque d’huile et d’essence freine le régiment. Il faut à plusieurs reprises attendre le ravitaillement en carburant et abandonner provisoirement des véhicules.
Rive-de-Gier . Mornant . Dardilly
Arrivé tard le soir du 1er septembre à Rive-de-Gier, le 4e Escadron du 2e Spahis passe la nuit à la sortie de Rive-de-gier en prévision d’une progression sur Givors encore occupée par les Allemands.
Guy Caniot, lieutenant commandant le 2e peloton, se souvient de l’entrée dans Rive de Gier :
" Au crépuscule enfin, nous pénétrons à 80 km/h dans St-Chamond faisant hurler nos sirènes. Loin de supposer que l’armée française puisse être déjà là, toute la population disparaît dans les immeubles, en pensant avoir affaire à des engins allemands.
Pause casse-croûte le 3 septembre 1944 dans la région lyonnaise. Sur le véhicule, les soldats Forzy ( tireur), Reynès (radio), Goulon (pilote). © G Caniot - 2001
Mais rapidement revenue de sa méprise, la foule se précipite alors sur mes voitures arrêtées à un carrefour et, en moins d’ une minute , elle a tout submergé. Montés sur nos tourelles en grappes compactes, les gens crient leur joie. Au milieu de cette mer humaine, il est impossible de faire démarrer les véhicules sans risquer d’écraser ces hommes et ces femmes qui sont décidés à rester sur place. Il faut pourtant repartir car nous devons atteindre Rive-de-Gier. Or la nuit est déjà là. Juché sur ma tourelle, je crie des ordres, j’admoneste le foule et grâce aux hurlements de la sirène, "Rôdeuse" parvient lentement à se frayer un passage. Couvert par tout ce tumulte, la voix de la radio ne peut être entendue par mes voitures subordonnées. Heureusement, elles ont aperçu mon mouvement et à leur tour, elles parviennent à fendre le flot humain. Seule, "Rochelle" ne rejoint pas et c’est en vain que j’essaye de l’appeler à la radio. Noyée par la foule, elle n’a pu voir notre départ.
Dans une obscurité presque complète, nos voitures roulent rapidement. De part et d’autre de la route, des maisons, encore des maisons... Je crains que nous dépassions Rive-de-Gier sans le savoir. Aussi par instants nous arrêtons-nous pour demander si la sortie de la ville est encore loin. Enfin devant moi, les habitations semblent se faire plus rares. Cette fois nous avons atteint la sortie de Rive-de-Gier."
Le 2 septembre à midi, la mission est modifiée :
"Nous apprenons que Givors vient d’être évacuée par les troupes allemandes. Au lieu de foncer sur Lyon comme il avait été initialement prévu, nous continuerons notre progression par l’Ouest afin d’atteindre au plus vite Anse-Villefranche et d’interdire la retraite allemande au Nord de Lyon.
A 15 heures sous une pluie battante, nous quittons Rive-de-Gier et traversons Mornant et de nombreux villages Aux abords de Brindas, "Rogneuse" sème la panique chez les F.F.I. qui, loin de supposer que nous pouvions déjà être là, s’imaginent qu’ils ont affaire à des blindés allemands"
La traversée de Mornant.
Le 4ème escadron du Capitaine Baudouin est passé vers 13h30, suivi du Colonel et de son état-major, puis du 1er escadron du Capitaine Oster. Le Régiment met près de 2 heures pour traverser le bourg entre 13h30 et 15h30.
La colonne de véhicule comprenait :
une dizaine de Jeeps,
10 Auto-mitrailleuses de type AM M8,
16 chars légers, de type M3 A3 et M 5,
une trentaine de véhicules divers,
soit au total une soixantaine de véhicules.
Les véhicules ont d’abord marqué un temps d’arrêt d’observation à l’entrée sud de la ville, puis ils s’arrêtent sur la place du village où les habitants de Mornant manifestent leur joie et fêtent leurs libérateurs. Mais, il faut poursuivre la mission vers le nord .
Au carrefour de "Maison Carrée" à Dardilly
L’AM M8 calcinée du Lieutenant de Coëtlogon touchée au carrefour de Maison Carrée le 2 septembre 1944 © Guy Caniot
A Brindas, le peloton Caniot est relevé en tête de l’escadron, par le peloton Coëtlogon, qui se dirige alors sur le carrefour de Maison Carrée pour l’occuper. Il s’agit de vérouiller ce carrefour pour interdire à l’ennemi venant de Lyon la voie de repli vers le Nord. C’est alors qu’au crépuscule, sous la pluie battante, les chars allemands appuyés par l’infanterie attaquent le carrefour, le reprennent provisoirement et détruisent l’AM M8 du Lieutenant de Coëtlogon.
L’AM M8 du Lieutenant de Coëtlogon, commandant le 3e Peloton du 4e escadron, est aussi passée à Mornant ce 2 septembre 1944.
A un kilomètre au nord de Dardilly (Rhône), au Carrefour de " Maison Carrée", l’AM M8 se heurte aux Allemands. Un obus anti-char la transperce.
Le Lieutenant de Coëtlogon, chef du peloton, le Brigadier Neveu, son pilote, et l’estafette moto de l’escadron, le Spahis Lacome meurent à leur poste de combat.
"Le 3 Septembre, les faubourgs de Lyon sont libres ; la place est laissée aux F.F.I. et à la 1ere D.M.I. qui vont récolter les fruits de la victoire"
extraits du J.M.O. du 2eme R.S.A.R.