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samedi 1er décembre 2001 par
Evelyne Marsura
Dans les camps, l’expression désigne les déportés à la veille de la mort.
Il y a dans le Siècle des camps de J Kotek et P Rigoulot, tout un long chapitre intitulé le « musulman » pages 365-369. On y trouve l’explication suivante :
(...) Tout est prévu, au camp, pour conduire l’individu à la désagrégation totale, à l’état de « musulman », terme employé par la plupart des KZ pour décrire le détenu à bout de forces, maigre et décharné, survivant dans un état voisin de la mort.
Plusieurs explications existent quant à l’origine de cette curieuse dénomination. Aucune n’est vraiment satisfaisante. Les SS l’ont-ils forgée par mépris des Arabes, censés être fatalistes et accepter sans broncher le sort qui leur fait ? Ou parce que certains détenus, se ceignant la tête de bandages et autres pièces de tissus, font penser à des porteurs de turban ? Mystère. Toujours est-il qu’à Ravensbrück, le seul camp exclusivement férninin, le même concept est exprimé, soit par Musezweiber (« musulmane »), soit par deux substantifs symétriques Schmutzstück et Schmuckstück, respectivement « ordure » et « joyau », presque homophones, l’un étant la parodie de l’autre. Les Italiennes n’en comprennent pas le sens cynique et, confondant les deux mots, prononcent « smistig » ". À Dachau, on utilise aussi le terme Kretiner (« crétin »), à Mauthausen Schwimmer (« nageurs »), à Neuengamme Kamele (« chameaux »), à Buchenwald müde Scheichs (« cheiks fatigués ») .
Bruno Bettelheim fait référence à cette dénomination à partir de son expérience dans les camps de concentration de Dachau et Buchenwald au moment de sa détention en 1938 et 1939 . L’auteur évoque les multiples manoeuvres visant à "détruire tout espoir du prisonnier d’avoir une influence sur son sort". Un peu plus loin, Bruno Bettelheim écrit : "Les prisonniers qui en venaient à croire les affirmations répétées des gardes, qu’ils ne quitteraient le camp qu’à l’état de cadavres, et qui avaient la conviction qu’ils n’avaient pas le moindre pouvoir sur leur environnement, devenaient littéralement, des cadavres ambulants. Dans les camps, on les appelait les "musulmans" en attribuant à tort leur comportement à une soumission fataliste à l’environnement analogue à celle qu’on impute aux musulmans.
Mais ces individus n’avaient pas, comme les véritables musulmans, pris la libre décision d’accepter leur sort. Au contraire, ils étaient si totalement privés de réactions affectives, d’amour-propre et de toute forme de stimulation, si totalement épuisés, physiquement et psychiquement, qu’ils se laissaient totalement dominer par l’environnement. Ils tombaient dans cet état le jour où ils renonçaient à exercer la moindre influence sur leur vie ou leur entourage."
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> Les "musulmans"
, envoyé le 14 décembre 2002, par nicole.mullier
Ils faisaient penser à des Arabes en train de prier.
H. Langbein, Hommes et femmes à Auschwitz
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